PER Automne 2019 – 5 univers de création

Marie-Chantale Béland et Audrée Foucher, danse contemporaine, Québec

Tu me colles à la peau

Nous portons tous en nous un hiver éternel

De notre chaos intérieur jaillit une résilience personnelle et collective. Tu me colles à la peau, c’est s’offrir une expérience sensorielle pour toucher, éveiller, évoquer des souvenirs, des surprises. Un habit de neige «one piece» acheté par la mère de Marie-Chantale en 1983 sera la prémisse pour collaborer en duo avec Audrée Foucher. Les deux interprètes en danse s’inspirent, en autres, des transitions inconfortables que nous vivons entre chacune des saisons et le bouleversement de notre cycle intérieur. Elle s’intéressent à l’éveil des sens, au retour aux sources et à la transformation du corps et de la nature.

La recherche du mouvement en lien avec les habits de neige les ont amené à trouver de nouvelles façons de se mouvoir. À partir de ces explorations naissent différents états de corps et une gestuelle bien spécifique créant ainsi de multiples dynamismes et sensations dans le corps.

Chaque jour, elles débuteront par une improvisation avec ou sans habits de neige selon le lieu où elles se trouveront sur la ferme. Quelles traces resteront imprégnées dans les corps et dans l’espace jusqu’à la présentation? Il y aura une transformation des corps sous les multiples couches de vêtements , comme il y aura une métamorphose de l’endroit. Audrée et Marie-Chantale sont également curieuses de découvrir ce qui les unira au spectateur et observer comment ces liens peuvent perdurer une fois leur passage à la ferme terminé.

Maxime Dugas, théâtre, Montréal

Les moments de la disparition est le résultat d’un travail corporel et poétique que j’ai effectué pendant la dernière année, celle suivant le décès de mon père. C’est une épitaphe symbolique, une invitation à voyager dans un « fever dream »; dans ce qui émerge de l’absurdité, de la souffrance et de la résilience. Dans le cadre de l’édition Automne 2019 de RURART, je présente la scène d’ouverture de Les moments de la disparition. Cet extrait est un poème sur les derniers instants de vie de mon père. Ceux qui sont arrivés réellement et ceux que j’ai imaginés, que j’ai rêvés. C’est un regard pragmatique, voire nihiliste, mais aussi pleinement empreint de compassion pour celui qui a été mon meilleur ami. C’est un poème autant sur lui que sur moi, finalement. L’extrait sera présenté en forêt et ce n’est pas par hasard : c’était le territoire de mon père. Je sais d’ailleurs qu’il y a dans la forêt certaines réponses auxquelles je n’ai pas eu accès jusqu’à présent. Des réponses qui ne peuvent pas surgir qu’en mots, mais aussi en sensations, en visions, en parfums et même en silences, peut-être.

Geneviève Kiliko, art visuel et voix, Sherbrooke

Artiste multidisciplinaire originaire de la ville de Sherbrooke, Geneviève Kiliko conjugue les arts visuels avec ses compositions musicales. Ayant réalisé une campagne de socio-financement avec La Ruche Estrie au printemps 2019, elle est présentement en train de réaliser son premier album de musique fusion arts visuels, où chacune de ses chansons sera associée à l’une de ses œuvres d’art.

S’intéressant particulièrement aux notions d’harmonie, de paix et d’équilibre, dans un monde où le chaos et l’ordre se chevauchent étroitement, elle tente de créer un espace pour accueillir tout cela, et s’installer dans un lieu où ni l’un ni l’autre n’existe, un lieu de paix.   

Ainsi, en regard au déséquilibre actuel sur la planète Terre – si l’on observe les gestes posés par les êtres humains envers la Nature et son cycle naturel -, on constate que les conséquences écologiques actuelles sont immenses, ce qui nous place devant un fait incontesté : l’être humain, en règle générale, n’est pas en harmonie avec son environnement immédiat, ce qui nous laisse penser qu’il est toujours en quête d’harmonie intérieure, comme le microcosme représentant le macrocosme (être humain versus planète terre).  

La planète terre- symbolisée fréquemment par le symbole de la mère nourricière, par le féminin, par l’astre de la lune- n’est pas respectée à sa juste valeur. Le manque de vision a conduit l’être humain devant des faits indéniables: il doit rétablir l’harmonie pour le bien et la santé des générations futures pour préserver les ressources nécessaires à la survie de ces derniers.  

 Dans ce continuum, elle explore les vagues intérieures d’une vie humaine, et y fait des parallèles avec la nature. 

« Au cours de la résidence artistique RURART, je poursuivrai mon exploration en lien avec le chant libre et intuitif, en relation avec la nature et les arts visuels. Je pratique le chant libre dans mon quotidien, mais l’idée de le concrétiser en une composition musicale s’est greffée en moi au cours des dernières années. Le thème de mon projet musical et d’arts visuels qui est présentement en cours s’intitule « Passages » et comporte, pour le moment, des textes et des musiques que je compose. 

Le chant libre sans paroles est donc une avenue que j’aborderai, et il en ressortira peut-être la dernière chanson de mon album en cours, ou sera remis à un projet musical futur, ce sera à voir… 

Parce qu’on « passe » toujours d’un changement à un autre (même si l’on résiste souvent au changement), d’un cycle vers un autre, d’une saison à une autre, et que cela est continuel, nous laissons les empreintes de paix que nous cultivons aux passages… 

La nature change aussi; les cycles se régissent et nous orientent vers notre propre harmonie intérieure, et ce, continuellement. 

L’harmonie de cette nature, la relation et la proximité avec elle, peut-elle m’enseigner, me diriger vers un espace où la voix peut emprunter des chemins différents? La proximité de cette nature peut-elle m’amener vers différents choix de couleurs, différentes textures, différentes formes, différents médiums au niveau des arts visuels? 

C’est ce que j’aurai l’opportunité d’explorer au cours de cette résidence! 

Camille Lacelle-Wilsey, danse contemporaine, Montréal

Vision / démarche

C’est en voyageant sur un voilier Tanzer 26 pendant mon enfance que j’ai développé le plaisir de tanguer. Petite, j’aimais jouer avec le déséquilibre du bateau et être témoin de la force du vent dans la voile.
Inspiré par la technique Axis Syllabus, je cherche à jouer avec les déséquilibres possibles et l’axe central de mon corps en suspension vers d’autres directions.

Je cherche comment retrouver ce thrill d’un corps à la diagonale et des grands vents. Je confectionne des cerfs-volants pour jouer avec le ciel.

Proposition / oeuvre

En voyant les cerfs-volants au parc Jarry, un ami m’a dit angoissé: ‘’It’s horrible! They can’t fly, they are stuck to the ground!’’.
Cette tension entre s’envoler et être retenue au sol m’inspire comme chorégraphe. Explorant les oppositions entre l’ombre et la lumière, le léger et le lourd. Cette recherche implique la confection de cerf-volant, leurs danses dans le ciel et le dialogue possible avec l’axe de mon corps au sol.

Alors que mon ami voyait la tension et la retenue du cerf-volant, j’y vois plutôt une ode à l’envol, au saut dans le ciel, à la légèreté.

Annabelle Guimond-Simard, art visuel et retroprojecteur, Québec

Sur un rétroprojecteur, Annabelle Guimond-Simard développe un langage visuel rappelant les phénomènes naturels. Usant de la réflexion lumineuse sur une présélection d’objets, elle interprète une aurore boréale, une vague, une constellation ou encore un paysage de montagnes. L’évolution significative des images suit une partition écrite et créée à partir d’un thème et d’un procédé d’improvisation.

Cette partition est performée à la manière d’un cinéma d’animation in situ. Ce dernier est composé à la fois du spectacle des images projetées sur les murs et de leur fabrication. Ce chevauchement provoque un va et vient entre l’envoûtement et la démonstration, entre rêver et comprendre. S’interrogeant sur la trace que peut laisser une œuvre éphémère, elle travaille la vidéo performance et la vidéo d’art à partir des documents de ce cinéma d’animation in situ.

« Mon intention de projet avec RURART est d’aborder le thème « ce qui nous unit » à travers ma pratique du rétroprojecteur. Je veux créer un pont entre l’intérieur et l’extérieur ; que l’on se sente uni aux paysages, à la nature et aux êtres vivants qui nous entoure. Je veux que l’expérience de cette union se fasse par les sens et conséquemment, par une œuvre immersive. »

Le travail d’Annabelle Guimond-Simard avec le rétroprojecteur s’inspirant directement des phénomènes naturels, c’est en les observant qu’elle crée l’animation. «Pour saisir un phénomène, je dois en faire l’expérience ; celle d’une ambiance, d’un lieu, d’un paysage, d’un territoire, d’un lien avec l’autre, etc. »